GENÈVE (OIT Infos) – Le Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), Gilbert F. Houngbo, a exhorté à l’adoption d’une stratégie unifiée articulant création d’emplois, respect des droits du travail et croissance économique, dans le but de bâtir une économie mondiale plus équitable et plus résiliente.

S’exprimant à l’occasion des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, à Washington D.C., M. Houngbo a souligné l’urgence de repenser les priorités des politiques économiques. «L’économie mondiale se trouve à un tournant critique. Il est temps d’agir de manière décisive», a-t-il déclaré.

Le dirigeant a mis en garde contre la persistance des déficits en matière de travail décent, qui entravent la prospérité mondiale. Parmi ces défis figurent un taux élevé d’informalité, le chômage des jeunes, ainsi que des inégalités de genre croissantes. «Notre monde est marqué par des déficits structurels en matière de travail décent, notamment l’absence quasi totale de protection sociale pour les travailleurs de l’économie informelle», a-t-il rappelé.

Il a également attiré l’attention sur l’urgence démographique, alors que 1,2 milliard de jeunes devraient faire leur entrée sur le marché du travail dans les décennies à venir. «Le lien entre emploi de qualité et prospérité n’a jamais été aussi clair ni aussi pressant.»

Le Directeur général a insisté sur la nécessité de mieux gérer les incertitudes économiques, en particulier celles liées aux dynamiques du commerce mondial. «Les évolutions des politiques commerciales peuvent générer des impacts complexes et inégaux entre les secteurs, les niveaux de qualification et les régions. Nos recherches montrent que les modifications des schémas commerciaux entraînent des réallocations de ressources qui se répercutent sur les chaînes de valeur mondiales, avec des effets tantôt créateurs, tantôt destructeurs d’emplois.»

S’attaquant à la fragmentation des politiques publiques, il a déploré que «trop souvent, les décideurs considèrent la création d’emplois, la protection des droits et la croissance comme des objectifs distincts, voire concurrents, impliquant des arbitrages douloureux. Cette approche fragmentée freine, in fine, les progrès sur tous les fronts.»

Il a plaidé pour une refonte des politiques macroéconomiques, de façon à ce que le travail décent en devienne un objectif central. «Les politiques monétaires et budgétaires doivent évoluer pour intégrer les résultats en matière d’emploi parmi leurs objectifs fondamentaux, au même titre que la stabilité macroéconomique.»

M. Houngbo a insisté sur l’importance des investissements stratégiques par secteur. «Les investissements dans l’économie verte, les services de soins, l’éducation et les infrastructures numériques de base répondent à des besoins de société de long terme tout en constituant un rempart face aux chocs économiques extérieurs.»

Les droits du travail et la protection sociale jouent eux aussi un rôle stabilisateur. «Les systèmes de protection sociale soutiennent la consommation pendant les ralentissements, préviennent la pauvreté, réduisent les inégalités et offrent une sécurité de revenu essentielle aux travailleurs confrontés à une précarité croissante sur les marchés du travail», a-t-il declaré.

S’agissant de la Coalition mondiale pour la justice sociale, lancée par l’OIT en 2023 comme réponse multilatérale inclusive aux défis sociaux et économiques contemporains, il a précisé: «Cette coalition offre un espace collaboratif pour l’action, le dialogue et le plaidoyer, où les partenaires conçoivent des opportunités concrètes et des résultats tangibles.»

Avec plus de 300 partenaires à ce jour, la Coalition complète les partenariats existants avec les institutions financières internationales. «Depuis 2019, l’OIT et le FMI ont renforcé leur collaboration autour du financement durable de la protection sociale», a-t-il rappelé. «De même, le partenariat avec la Banque mondiale contribue à consolider les systèmes de protection sociale tout en améliorant les politiques de l’emploi.»

Et de conclure: «L’approche intégrée de l’OIT – alliant emploi, droits et croissance – fournit une grille de lecture pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain. En replaçant la justice sociale au cœur des politiques économiques, nous pouvons faire du travail décent le vecteur d’une prospérité partagée.»