Étude « L'alternance en éducation »

Étude « L'alternance en éducation »

Chaque année 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans aucune qualification. Ce constat, très cruel, conduit à s’interroger sur les causes de cette situation et sur les améliorations à envisager pour s’efforcer de réduire leurs effets. Le Conseil économique social et environnemental (CESE) s’est autosaisi sur la question de la place de l’alternance dans l’éducation et de celle, jugée trop faible, réservée à la découverte professionnelle dans l’acquisition des connaissances dans le secondaire comme dans le supérieur.

Comment repérer si telle ou telle connaissance est maîtrisée avant de confier la réalisation d’une tâche? Comment présenter une activité pour être assuré que la compréhension de son utilité sociale soit susceptible de mobiliser des connaissances supposées acquises ou de susciter une motivation à les acquérir? Toutes ces questions, et de nombreuses autres, sont au coeur du processus d’alternance.

L’étude du CESE « L’alternance dans l’éducation », qui se situe dans la perspective d’une contribution plus pédagogique que structurelle de l’alternance dans l’éducation, a été rapportée par Jean-Marc Monteil (Personnalité associée), au nom de la Section de l'éducation, de la culture et de la communication présidée par Philippe Da Costa (Groupe des associations). Elle a été présentée à la presse le mardi 25 février à 12h.

La notion d’alternance : une réalité plurielle

L’alternance recouvre des formes d’enseigner et d’apprendre qui articulent, ou tendent à articuler, une formation dite théorique, en référence à l’univers académique et une formation dite pratique, en référence à l’univers économique - cela quels que soient les lieux autour desquels elle est organisée. L’étude distingue plusieurs types d’alternance et s’attache à en situer les cadres d’application :

  • Dans le cadre de l’apprentissage, qui représente la forme la plus ancienne de l’engagement de l’entreprise dans un rôle installé à la charnière entre l’emploi et la formation,
  • Dans le cadre d’une formation scolaire ou universitaire, où les stages sont la forme la plus usitée de la relation avec l’entreprise, qu’ils soient longs et conventionnés, d’observation ou de découverte,
  • Dans le cadre de l’insertion ou de la réinsertion sociale et/ou professionnelle de jeunes en échec scolaire ou non,
  • Dans le cadre de la formation tout au long de la vie, offrant l’opportunité de créer de nouvelles coopérations productives entre générations.

Un tableau qui interroge les pratiques pédagogiques à l’école et leurs prolongements éventuels hors de l’école

La réussite et l’échec à l’école sont au coeur de la préoccupation des parents, des enseignants et des élèves. Comment favoriser la première et éviter le second ? Plutôt que de faire le constat d’une dégradation lente et continue des performances scolaires qui serait inéluctable, l’étude analyse le contexte scolaire d’enseignement et d’apprentissage pour en faire apparaître les biais et les insuffisances susceptibles de justifier qu’on l’enrichisse éventuellement par la pratique de l’alternance. Il y a en outre une véritable urgence à éviter que certains élèves fuient l’école et se voient, dans le meilleur des cas, confiés aux travailleurs sociaux, à qui on demande de résoudre dans l’urgence des problèmes qui auraient pu être réglés en amont. En effet le système scolaire gère des modes d’actions, de pratiques et d’incitations sociales, qui nourrissent une contradiction : il semble gérer, tout en la déplorant, la rareté du succès. La compétition à l’école, qui peut être le champ d’application de compétences acquises, ne doit pas constituer la base sociale de leur acquisition rappelle l’étude. Que signifie une compétition quand les jeux sont faits par avance ? Confondre ainsi l’origine et le terme de l’action, c’est trop souvent désigner les perdants, en n’étant pas assurés de la qualité des vainqueurs.

L’alternance, une réelle opportunité pour enrichir et compléter les contextes scolaires

L’étude du CESE rappelle la possibilité de varier les contextes d’apprentissage pour éviter qu’ils ne soient proposés à tous les élèves quels que soient leurs résultats scolaires dans le système sous des formes identiques et trop souvent figées, qui risquent de favoriser la moindre réussite des uns tout en conduisant à l’échec des autres. Dans cette perspective d’évolution des méthodes pédagogiques, l’avènement du numérique, qui est par ailleurs un sujet en soi, constitue, à l’évidence, une opportunité à saisir pour offrir des présentations inédites des différents savoirs et des compétences à acquérir pour les traiter au sein du cadre scolaire. L’alternance dans l’éducation doit ainsi être envisagée comme un moyen, parmi d’autres, pour favoriser cet enrichissement contextuel dont la vertu principale est bien celle de réduire les inégalités d’accès au savoir et à son utilisation. Ce type d’approche fournit donc à l’alternance, en dehors des préoccupations d’insertion professionnelle auxquelles on la rattache habituellement, un fondement de nature pédagogique. Ancrée dans des règles et principes communs, élaborée conjointement, la pratique de l’alternance entre milieu scolaire et monde du travail devrait permettre de tendre vers la réalisation d’un tel objectif.

Des pistes d’amélioration pour favoriser les acquisitions et faire de l’apprentissage une voie naturelle de formation

Pour qu’un dispositif d’alternance en éducation présente ce double avantage, il doit être présent à tous les niveaux de qualifications ou de diplôme. L’étude préconise ainsi :

  • De construire la pratique de l’alternance sur des échanges organiques entre les professionnels du monde du travail et les professionnels de l’enseignement, en définissant avec précision les conditions dans lesquelles les pratiques d’alternance sont mise en oeuvre afin d’éviter des catégorisations erronées.
  • De définir un encadrement académique et un « encadrement métier » pour la formation professionnelle par alternance. Le premier, pour situer les connaissances impliquées par les tâches professionnelles dans la chaîne des connaissances acquises ou à acquérir. Le second, pour les qualifier, aménager le cadre de leur accueil et proposer le scénario pertinent pour leur utilisation et leur développement en fonction de l’objectif professionnel poursuivi.

En dépit de l’importance qui lui est accordée dans cette étude, l’alternance dans l’éducation ne doit pas être considérée comme la solution pédagogique pour, tout à la fois, combler les lacunes des formations scolaires ou universitaires initiales, résoudre les problèmes liés à l’insertion professionnelle et rythmer avec bonheur les cheminements de la formation tout au long de la vie.

Le parti pris de cette étude est bien de donner du crédit à l’alternance comme une démarche pédagogique en mesure, non de résoudre tous les problèmes soulevés mais d’enrichir pour tous les élèves les contextes d’acquisition des connaissances. Cette contribution du CESE au débat public pourra indéniablement trouver un écho institutionnel pour alimenter un questionnement plus fonctionnel et qualitatif de la formation, sous toutes ses formes.

« En proposant une plus grande variété de possibilités pour donner du sens aux apprentissages réalisés, par les jeunes et les moins jeunes, l’alternance en éducation offre à la diversité des compétences et des talents, mais aussi aux trajectoires éducatives les plus fragiles, des perspectives de réussite plus nombreuses » souligne Jean-Marc Monteil.

-> Consultez la note de synthèse (PDF)