Le Conseil des droits de l'homme adopte les résultats de l'examen périodique du Canada

Le Conseil des droits de l'homme adopte les résultats de l'examen périodique du Canada

Le Conseil des droits de l'homme a adopté, ce matin, les documents finals résultant de l'Examen périodique universel s'agissant de l'Allemagne, de Djibouti et du Canada. Le «document final» sur l'examen de chacun de ces pays est constitué du rapport adopté par le Groupe de travail chargé de l'Examen périodique universel ainsi que des informations complémentaires fournies par l'État examiné.

[...]

Le Canada a accepté 122 recommandations sur les 162 qu'il a reçues. Il a expliqué que son système fédéral ne lui permet pas d'accepter les recommandations en faveur de l'adoption de plans nationaux. En revanche, le Canada accepte la majorité des recommandations relatives aux peuples autochtones et s'engage à entretenir une relation constructive avec les Premières Nations, avec les Métis et les Inuits. Il accepte également les recommandations relatives à la lutte contre la discrimination et la situation des groupes vulnérables. La Commission canadienne des droits de la personne est ensuite intervenue, ainsi que les délégations suivantes: Cuba, Djibouti, Gabon, Indonésie, Iran, Maroc, Nigéria, Philippines, Fédération de Russie, Togo, Viet Nam, Algérie, Bélarus, Bénin et Botswana, Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco, Charitable Institute for Protecting Social Victims, Action Canada pour la population et le développement, Lesbian and Gay Association, Amnesty International, Commission internationale de juristes, Institute for Women Studies and Research, Conseil international de traités, Association pour la communication progressive.

Examen périodique universel

[...]

Canada

Le Conseil est saisi du rapport sur l'examen périodique du Canada (A/HRC/24/11), qui a eu lieu le 26 avril 2013. Les trois rapporteurs chargés de faciliter cet examen étaient le Brésil, l'Irlande et les Philippines.

Déclaration du pays concerné

Mme ELISE GOLDBERG, Représentante permanente du Canada, a souligné que «l'exercice des droits et libertés des Canadiens remontait à presque 800 ans», ceux-ci étant «déterminés à protéger cette tradition de liberté ordonnée pour les futures générations». Les lois du pays reflètent cette tradition et garantissent une société libre et ouverte à tous les Canadiens, ses lois et coutumes étant garantis par sa souveraine.

Mme Goldberg, qui a indiqué que son pays acceptait 122 recommandations sur les 162 reçues, a constaté que celles-ci portaient sur un grand nombre de questions importantes dont beaucoup relèvent de la responsabilité commune des différents niveaux de gouvernement – fédéral, provincial et territorial: «Tous ces paliers coopèrent et collaborent afin de protéger les libertés historiques qui constituent notre patrimoine en tant que Canadiens». Et même si les initiatives de chaque gouvernement peuvent varier à l'échelle du pays, tous poursuivent des objectifs communs en matière de protection des droits humains fondamentaux de la population. C'est d'ailleurs là l'un des atouts du fédéralisme canadien, a-t-elle affirmé, indiquant que toutes les recommandations issues de l'Examen périodique universel avaient été diffusées et fait l'objet de discussions au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ceux-ci ayant collaboré à la préparation de la réponse canadienne. Cela explique pourquoi, dans de nombreux cas, le Canada n'a pas souscrit aux recommandations en faveur de l'adoption de plans nationaux, a expliqué Mme Goldberg. La société civile et les organisations autochtones ont aussi été invitées à faire connaître leur point de vue.

En ce qui concerne la coopération avec les mécanismes des Nations Unies et le suivi des recommandations de l'ONU, elle a indiqué que son pays avait «l'habitude de coopérer» avec ces mécanismes et avec les procédures des droits de l'homme. Par ailleurs, le Canada accepte la majorité des recommandations relatives aux peuples autochtones et s'engage à entretenir une relation constructive avec les Premières Nations, avec les Métis et les Inuits. Il s'est d'ores et déjà engagé sur des mesures significatives visant à améliorer le bien-être social et la prospérité économique de ceux-ci. Toutefois, le Canada n'accepte pas la demande d'élaborer un plan national d'action pour la mise en œuvre de la Déclaration de l'ONU relative aux droits des peuples autochtones, celle-ci n'étant pas juridiquement contraignante et appelle essentiellement les États et les peuples autochtones à coopérer. En revanche, il accepte les recommandations appelant à lutter contre le grave problème de la violence contre les femmes et les jeunes filles autochtones. Mme Goldberg a énuméré les initiatives déjà en cours sur cette question.

Par ailleurs, le Canada accepte, à de rares occasions, les recommandations relatives à la discrimination et à la situation des groupes vulnérables, d'autant qu'il garantit le droit à l'égalité devant la loi. Le Canada dément les allégations de profilage ou de harcèlement racial ou religieux. Quant à la demande d'instaurer un délit de violence raciste, elle ne semble pas pertinente dans la mesure où le Code pénal criminalise déjà tous les actes de violence. Les recommandations relatives à la réduction de la pauvreté et à l'assistance aux sans-abris ont été acceptées, et des programmes aux résultats encourageants mis en œuvre.

Le Canada accepte aussi certaines des recommandations faites en matière de sécurité publique, notant en particulier que les mesures antiterroristes respectent ses obligations internationales. Mme Goldberg a rappelé que le droit de rassemblement pacifique et à la liberté d'expression étaient garantis par la Constitution. Par conséquent, son pays rejette l'assertion selon laquelle il y aurait des violations de ces droits. Enfin, il ne recourt à la détention administrative des migrants que lorsqu'existe un risque en matière de sécurité.

Le Conseil international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme, au nom de la Commission canadienne des droits de la personne, a noté les progrès réalisés par le Canada depuis le premier examen, notamment la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le soutien apporté à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. La Commission a indiqué que le Canada doit encore réaliser des progrès dans l'application de la Convention et dans l'organisation de ses mécanismes de mise en œuvre des instruments internationaux pour garantir l'égalité pleine et entière aux autochtones, ainsi que pour accommoder les prisons aux besoins des personnes handicapées mentales.

Débat

Cuba a regretté que sa recommandation concernant l'application de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones n'ait pas été acceptée dans sa totalité au motif qu'il ne s'agit pas d'un instrument contraignant au plan juridique. Cuba a invité au renforcement des mesures de protection des Premières Nations, qui sont toujours défavorisées dans les domaines de l'éducation et de la santé, en particulier.

Djibouti a encouragé le Canada à redoubler d'efforts pour lutter contre toutes formes de discrimination et de racisme par l'adoption d'un plan d'action national pour la mise en œuvre effective de la Déclaration et du Plan d'action de Durban.

Le Gabon a salué la mise en œuvre de politiques nationales basées sur des consultations publiques avec les organisations de la société civile et les peuples autochtones. Il a encouragé au renforcement des relations avec les peuples autochtones et à la poursuite des initiatives de lutte contre la discrimination raciale.

L'Indonésie a noté qu'à l'instar de nombre d'autres pays, et en dépit des progrès réalisés, le Canada est toujours confronté à d'importantes difficultés dans le domaine des droits de l'homme. Elle lui a recommandé d'améliorer la coordination des mécanismes provinciaux et fédéraux afin de combler les lacunes dans la mise en œuvre des lois et programmes contre le racisme.

L'Iran a rappelé que l'examen du Canada avait été l'occasion, pour plusieurs délégations, de faire part de leur préoccupation devant le tableau peu clair qui a été brossé à cette occasion. L'Iran a regretté que la majorité de ses propres recommandations aient été refusées, notamment celle ayant trait au retrait des réserves canadiennes à la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le Maroc a félicité les autorités canadiennes pour leur politique en matière de promotion des droits linguistiques des groupes minoritaires ainsi que dans le domaine de la lutte contre la discrimination dans l'enseignement. Il a également salué les mesures de prévention des risques d'exploitation des travailleurs migrants.

Le Nigéria s'est dit encouragé par la coopération du Canada avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et sa détermination à protéger les droits de l'homme de ses citoyens. Il a demandé au Canada de maintenir son engagement de longue date à respecter ses obligations au titre des instruments pertinents de droits de l'homme et du droit international humanitaire.

Les Philippines ont salué la volonté du Canada d'adhérer à de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, alors qu'il est déjà État partie à sept d'entre eux. Les Philippines ont ensuite noté, avec satisfaction, l'acceptation des recommandations relatives à la protection des droits de l'enfant.

La Fédération de Russie a fait part de sa déception qu'une partie importante des recommandations adressées au Canada aient été rejetées, notamment celles de la Fédération de Russie sur les détentions et les mauvais traitements infligés aux étrangers.

Le Togo a salué la volonté affichée par le Gouvernement canadien d'établir une relation durable avec les peuples autochtones basée sur des partenariats et des investissements substantiels, et visant à des changements positifs.

Le Viet Nam a félicité le Canada pour ses acquis en matière de droits de l'homme tout en lui conseillant de mieux combattre les discriminations fondées sur le sexe, la religion et la race, qui perdurent. Le Viet Nam a aussi encouragé à prendre toutes les mesures concrètes et nécessaires à la protection de tous les individus vivant dans le pays, y compris les migrants et les minorités ethniques.

L'Algérie a pris note du rejet des recommandations formulées par une douzaine de délégations, dont celles de l'Algérie, s'agissant de la ratification de la Convention internationale sur la protection de droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. L'Algérie a néanmoins espéré que les mesures prises par le Canada contribueront au respect des droits de cette frange vulnérable de la société.

Le Bélarus a fait le constat que le Canada n'examinait pas avec un œil critique sa situation en matière des droits de l'homme. Le Canada appelle toujours les autres délégations à coopérer, alors qu'il fait preuve lui-même d'un refus de coopération, a reproché le Bélarus, en relevant également que de nombreuses procédures spéciales n'avaient pu se rendre dans le pays en dépit de leurs multiples demandes. Ainsi, le Canada n'a toujours pas reçu la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, alors même que le pays connaît un phénomène inquiétant de prostitution infantile.

Le Bénin a pris acte des efforts pour donner suite aux recommandations relatives aux peuples autochtones et noté les progrès accomplis dans l'amélioration de la situation de ces peuples, y compris en ce qui concerne l'accès à l'eau et à l'assainissement, même si beaucoup reste à faire.

Le Botswana a félicité le Canada pour les efforts louables déployés en matière de droits de l'homme, plus particulièrement en direction des peuples autochtones, avant de recommander l'adoption du rapport.

L'Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco a demandé au Canada de diffuser des indicateurs statistiques sur la traite des personnes aux fins d'exploitation et de travail forcé; d'adopter la définition de la traite figurant dans le Protocole de Palerme; de contrôler les activités des agences de recrutement international et les conditions de vie au Canada des personnes qu'elles recrutent; et d'adopter une stratégie nationale d'éradication de la pauvreté.

Le Charitable Institute for Protecting Social Victims a regretté que le Canada n'ait toujours pas appliqué plusieurs recommandations issues du premier Examen périodique. La délégation s'est dite préoccupée par les schémas inquiétants de violence contre les femmes autochtones canadiennes, dont les besoins en santé et en santé mentale ne sont pas couverts. Une enquête nationale devrait porter sur les nombreux problèmes auxquels sont confrontées les familles des femmes et filles autochtones assassinées et les méthodes d'enquêtes policières sur ces faits devraient être révisées. L'organisation a déploré que le Canada ait reculé, ces dernières années, en ce qui concerne la protection des femmes autochtones.

Action Canada pour la population et le développement a regretté le rejet par le Canada des recommandations portant sur l'adoption d'un plan d'action national contre la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones et sur la conduite, avec la collaboration des procédures spéciales, d'une enquête sur les disparitions et les meurtres de femmes et de filles autochtones. L'organisation a rappelé, en outre, que le Canada est tenu d'accorder sa protection aux travailleurs du sexe, y compris dans le contexte de ses mesures contre la traite des êtres humains.

L'International Lesbian and Gay Association a salué la participation du Gouvernement canadien au processus d'Examen périodique universel et son engagement à appliquer un système d'asile généreux. Elle a souligné l'importance du respect, par le Canada, des Principes de Yogyakarta dans l'élaboration de sa propre politique en matière d'asile. Or, le projet de loi actuel compromet la sécurité d'un nombre incalculable de requérants originaires de 80 pays, où ils risquent d'être persécutés du fait de leur orientation sexuelle. Le classement des pays d'origine en fonction de leur degré de sécurité pour les personnes réfugiées devrait être confié à un groupe d'experts indépendants, et non au Ministère de l'immigration.

Amnesty International a estimé que les réponses du Canada souffraient d'un manque de responsabilité en matière de droits humains. Aucun nouvel engagement n'a été pris, les seules recommandations acceptées étant celles qui sont déjà mises en œuvre. Cet immobilisme est préoccupant. Le Canada a ainsi rejeté toutes les recommandations pour relever des défis qui se posent au plan national, notamment en matière de violences contre les femmes autochtones, le principe de subsidiarité étant utilisé comme excuse pour ne rien faire.

La Commission internationale de juristes a fait part de sa préoccupation face aux activités des industries extractrices canadiennes, le pays ne s'engageant pas à mettre en place un cadre réglementaire en bonne et due forme. Il ne doit pas se contenter d'encourager un meilleur comportement de ses entreprises.

L'Institute for Women Studies and Research, qui a souligné que quelque 45 000 enfants ne fréquentaient pas l'école au Canada, a aussi appelé le pays à faire en sorte que les enfants autochtones puissent préserver leur identité. Ils doivent pouvoir garder leur nom, leur culture, leur langue. Il faut une révision de la législation pour que les femmes et les hommes puissent transmettre leur statut d'autochtone à leurs petits-enfants.

Le Conseil international de traités indiens a évoqué le problème de la violence à l'égard des femmes autochtones. Si le Canada a indiqué avoir lancé une stratégie en sept points en 2010, la question n'est toujours pas résolue trois ans plus tard. En juillet dernier, les premiers ministres provinciaux et des territoires ont appelé à l'ouverture d'une enquête sur les nombreuses disparitions et meurtres de femmes autochtones, appel que le gouvernement d'Ottawa a aussitôt rejeté. Sans enquête, il est impossible de faire la lumière sur l'origine du problème.

L'Association pour la communication progressive a invité le Canada à lutter plus fermement contre les violences faites aux femmes autochtones. Elle a noté que la relative indifférence des autorités avait incité les groupes de la société civile à prendre contact directement avec les médias pour œuvrer à la sensibilisation de la population. Il a été confirmé par ailleurs que le Gouvernement canadien avait espionné une militante autochtone après qu'elle eut déposé une plainte contre le financement des services de protection à la jeunesse dans les réserves.

Conclusion

MME GOLDBERG a remercié toutes les délégations qui ont participé au débat, en déclarant que le Canada ne connaît pas une situation parfaite mais essaie de maintenir la cohésion dans sa société. Elle a également expliqué que de son point de vue, les plans nationaux n'ont pas nécessairement une efficacité accrue et que de meilleurs résultats peuvent être obtenus à l'échelle locale. Par ailleurs, le Canada a déjà accueilli un Rapporteur spécial cette année, et en accueillera un autre dans les semaines qui viennent.