Iraq : des néo-alphabètes prennent la parole

Iraq : des néo-alphabètes prennent la parole

« J’étais triste et désespéré quand je regardais les enfants de mon âge partir à l’école… Je passais mes journées à laver des voitures et les mots qui étaient inscrits sur les pare-brise restaient pour moi totalement incompréhensibles » dit Muath.
 
Muath fait partie de la cinquantaine de personnes récemment alphabétisées grâce aux programmes d’alphabétisation mis en œuvre par l’UNESCO en Iraq et qui s’expriment pour la première fois dans The Power of Literacy: Stories from Iraq. Outre un témoignage, ce recueil de récits publié par l’UNESCO met en exergue l’importance de l’alphabétisation en donnant des exemples concrets des changements positifs que l’alphabétisation peut engendrer dans la vie des individus.  
 
L’isolement ressenti par ceux qui n’ont pas bénéficié d’une éducation de base pour des raisons économiques est résumé par Ahmed, qui avait le sentiment « d’être devenu un homme aveugle qui ne voit que lui-même mais pas les choses qui l’entourent ».  
 
Dans ces témoignages, la métaphore la plus fréquemment utilisée pour évoquer l’analphabétisme est la cécité. Taimaa parle de son humiliation, à l’hôpital, où elle a eu l’impression d’être « …une personne aveugle, complètement désorientée » parce qu’elle ne savait pas lire les panneaux d’affichage.  « Un jour, je suis allée consulter un ophtalmologiste et lui ai dit que j’avais mal aux yeux la nuit. Il s’est mis à crier et il a dit : “Vous n’êtes pas chez un ophtalmologiste, vous êtes chez un dentiste”. »  
 
Outre le fait que l’alphabétisation a amélioré leur situation, les apprenants parlent d’ « une nouvelle vie ». Sumaea, qui a 65 ans et est handicapée, a voulu apprendre à lire et à écrire pour se divertir et tenter d’oublier ses problèmes de santé. Au terme de son alphabétisation, elle a déclaré : « Aujourd’hui, j’adore lire : la lecture est devenue mon amie ». 
 
 Rand dépeint la période de sa vie pendant laquelle elle était illettrée comme « des pages sombres » qu’elle a laissées derrière elle. Désormais, elle se considère « comme une personne aveugle qui a recouvré la vue. » Wassan, quant à lui, va jusqu’à comparer l’analphabétisme à un mauvais esprit qu’il a chassé grâce à son apprentissage : « Le spectre de l’analphabétisme a enfin disparu ».  
 
En Iraq, l’ampleur de l’analphabétisme demeure problématique : le taux national d’analphabétisme est estimé à 22 %, et ce sont les femmes vivant dans les zones rurales qui sont le plus touchées, notamment en raison de l’absence d’infrastructures. Cependant, au cours de ces dernières années, le ministère iraquien de l’Éducation a mis en œuvre des politiques à grande échelle, en partenariat avec l’UNESCO, afin d’atteindre les objectifs de l’Éducation pour tous (EPT). Le ministère et les ONG nationales ont sensibilisé le public à l’importance de l’alphabétisation, notamment grâce à des remises de prix visant à récompenser des apprenants particulièrement doués, des spots télévisés et des activités d’information auprès des communautés les plus vulnérables dans les zones rurales démunies.  
 
L’expérience de l’UNESCO dans le développement d’infrastructures visant à répondre aux besoins éducatifs en situation de post-conflit complète les actions menées par le gouvernement iraquien, notamment à travers l’Initiative pour l'alphabétisation : savoir pour pouvoir (LIFE),  dans le cadre de laquelle l’UNESCO apporte conseils et expertise et élabore des matériels et des programmes d’alphabétisation. L’UNESCO a également apporté son soutien à la création de Centres d’apprentissage communautaires dans les gouvernorats de Bagdad, Al-Muthanna et Dyala. 
 
« L’analphabétisme est l’un des principaux défis auxquels le gouvernement iraquien et ses homologues sont confrontés pour mener à bien le processus de réforme à tous les niveaux d’éducation » déclare Mohamed Djelid, Directeur du Bureau de l’UNESCO en Iraq, avant d’ajouter qu’« avec le soutien de l’UNESCO, le gouvernement iraquien a élaboré une approche nationale et des politiques précises qui répondent aux besoins essentiels et immédiats des illettrés iraquiens ».  
 
Asma achève le récit de sa récente alphabétisation sur une touche très positive, en soulignant qu’apprendre à lire a été le changement le plus important de sa vie : « J’ai pu lire l’heure et utiliser un téléphone portable. Je suis devenue indépendante sans avoir besoin de me faire aider par qui que ce soit. J’ai pu lire des lettres, des journaux, des magazines… J’ai pu exercer mes droits de citoyenne. » Ce recueil de récits personnels rappelle avec force les réalisations et la tâche qu’il reste à accomplir. Un recueil similaire, publié en 2009, rassemble des récits rapportés par des apprenants afghans, et un autre est en préparation pour le Soudan du Sud.