Compagnie-F : des formations innovantes pour l’intégration socio-économique des femmes immigrantes et issues des groupes racisés

Compagnie-F : des formations innovantes pour l’intégration socio-économique des femmes immigrantes et issues des groupes racisés

Par Maria Cristina Gonzalez *

Quand les nouveaux canadiens et canadiennes arrivent au pays, un de leurs premiers objectifs c’est l’intégration économique. Or, ce n’est un secret pour personne que pour les immigrants la recherche d’emploi est parsemée de difficultés**. Dans le cas des femmes immigrantes ou de celles issues des groupes racisés (FIGR), la situation est encore plus complexe, qu’elles aient grandi ou non au Canada. De nombreuses recherches montrent que les femmes immigrantes doivent surmonter des défis additionnels pour réussir leur intégration et se tailler une place de choix au sein de leur société d’accueil. Malgré le fait qu‘elles aient souvent été choisies en fonction de leur formation et qu’elles entament des démarches d’intégration socio-économique telle que l’apprentissage de la langue, le retour aux études, la recherche active d’emploi ou des stages et du bénévolat, des barrières systémiques existent.

Compagnie-F a constaté que c’est souvent suite à des démarches longues et ardues (qui n’aboutissent pas à l’obtention d’un emploi satisfaisant) que les FIGR décident de se lancer en affaires et de créer leur propre emploi. En effet, plusieurs d’entre elles choisissent de se lancer en affaires pour tenter de contrer les barrières systémiques auxquelles elles font face dans leur intégration économique.

Compagnie-F croit au potentiel entrepreneurial des femmes issues des groupes racisés

« Compagnie-F, entrepreneurship pour femmes » est un organisme montréalais de développement économique communautaire qui depuis 1997, travaille avec des femmes de toutes origines en situation de précarité économique. Afin de favoriser l’accès des femmes à l’économie, Compagnie-F a choisi l’entrepreneurship comme principal axe d’intervention. Les programmes de formation et d’accompagnement se regroupent en quatre grandes catégories : pré-démarrage, démarrage, post-démarrage et outils d’appui. Pour répondre aux besoins des femmes de toutes origines qui veulent se lancer en affaires, l’approche de Compagnie-F est humaniste et multidimensionnelle.

Depuis quelques années, Compagnie-F a perçu une augmentation du nombre de femmes immigrantes ou des groupes racisés (FIGR) dans ses programmes et a constaté une problématique d’accessibilité aux ressources en développement de l’entrepreneurship à Montréal. L’organisme travaillait déjà en réseau avec divers groupes communautaires. La mise en commun des expériences et des expertises de ces groupes communautaires a permis de valider la présence d’obstacles importants à l’accessibilité aux services nécessaires au bon développement des projets d’entreprise de ces femmes.

De nombreux obstacles à surmonter…

Ainsi, bien que ces femmes aient le potentiel pour réussir dans leur démarche d’intégration socioéconomique, nous constatons qu’elles doivent faire face à plusieurs obstacles qui rendent très difficile la réussite de leur entreprise au Québec.
Selon des témoignages des femmes accompagnées à Compagnie-F, elles trouvent difficile l’accès aux ressources disponibles dans les organismes de développement économique à Montréal, particulièrement en ce qui a trait aux services de formation et à l’accès au capital. Ces difficultés s’ajoutent aux défis de réseautage des femmes d’affaires immigrantes, car elles doivent faire un effort supplémentaire pour élargir leur réseau de contacts et ainsi apprendre à connaître les manières de faire locales, à maîtriser les techniques de réseautage d’affaires, les conventions utilisées au Québec, etc.

Il faut dire aussi que l’expérience de Compagnie-F nous a appris que les femmes en affaires (travail autonome, micro-entrepreneuriat ou entrepreneuriat) doivent encore surmonter des préjugés et se faire valoriser dans une économie qui reconnaît surtout le modèle entrepreneurial dominant, associé à des valeurs corporatives. Dans ce sens, plusieurs éléments dans les politiques gouvernementales dressent des contraintes juridiques, administratives et logistiques pour l’accès des femmes à la vie économique.

L’initiative FIGR : pour améliorer l’accessibilité aux ressources en entrepreneurship

Dans le but de mieux remplir son mandat et d’améliorer l’accessibilité aux ressources à cette population, Compagnie-F a décidé de mettre sur pied l’initiative FIGR : « Intégration économique des FIGR et des groupes racisés par l’entrepreneuriat ». Soutenue en partie par Condition Féminine Canada, cette initiative se concrétise dans une recherche-action pour mieux comprendre les forces et les obstacles rencontrés par ces femmes pour accéder aux services offerts en entrepreneuriat à Montréal. Le but est de proposer des pistes d’action pour améliorer la situation.

Dans le cadre de cette initiative, un comité consultatif a été mis en place, composé de divers groupes concernés par cette problématique et d’organisations travaillant sur le terrain. Pour dégager des pistes, des rencontres d’information et d’échanges sur les difficultés signalées par les FIGR ont été faites avec des organismes de développement économique (CDEC), ces rencontres nous ont permis de constater que ces organismes se posent des questions quant à la meilleure façon de desservir toutes les membres des communautés culturelles présentes sur leur territoire.

Il existe très peu de documentation sur les FIGR et celles des groupes racisés en affaires. C’est pourquoi l’initiative FIGR inclut aussi un volet de recherche qui comprend la compilation des données disponibles quant à la demande que font les FIGR aux services auxquels elles ont accès; ainsi que la réalisation d’une série d’entrevues auprès de FIGR en affaires. L’objectif est de mieux comprendre les forces et les obstacles rencontrés dans leur démarche entrepreneuriale, mais surtout de connaître la place que cette démarche entrepreneuriale a eue dans leur intégration socio-économique au Québec. Pour y arriver, nous utiliserons une grille d’entrevue basée sur un modèle développé par la Fondation canadienne des femmes dénommée ‘Moyens d’existence durables’, un modèle par ailleurs utilisé dans tous les programmes de Compagnie-F.

Finalement, l’initiative FIGR veut aussi rassembler des entrepreneures d’origines ethniques diverses avec les décideurs et décideuses d’organismes montréalais de développement économique. L’idée est de permettre à ces femmes de prendre la parole afin qu’elles expliquent leurs besoins spécifiques concernant l’entrepreneurship. Cette journée aura lieu en mars 2008 et sera suivie de deux journées d’appoint en 2008 et 2009.

Une option réaliste et souhaitable pour fortifier nos communautés!

Bref, l’intégration socioéconomique des FIGR par l’entrepreneurship est une option réaliste à considérer mais les mesures d’ouverture et l’adaptation des services existants aux besoins de cette population doivent vraiment permettre l’accès aux services aux femmes intéressées. Il faut dire que les femmes œuvrent souvent dans des domaines à haut impact social, qu’elles entretiennent de façon créative des processus d’intégration socio-économique puissants et qu’elles apportent leur expertise et leurs expériences cumulées ailleurs en les adaptant aux façons de faire québécoises. Un regard nouveau mérite d’être posé sur l’impact économique de ces entreprises qui contribuent à fortifier la communauté grâce au travail dédié de femmes d’affaires épanouies et engagées.


Liens connexes:

Site Internet:

Ressources en ligne :

  • «Au sujet de la reconnaissance des acquis des immigrantes», par Angie E. Destinobles sur le site de Netfemmes.
  • Deux portraits sur les femmes immigrées au Québec. Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles vient de mettre en ligne deux portraits sur les femmes immigrées au Québec:
  • Portrait sociodémographique des femmes immigrées recensées au Québec en 2001, présente des données sur leur répartition géographique, leur provenance, leur confession religieuse, l'acquisition de la citoyenneté, leurs caractéristiques linguistiques, leur scolarité, et leur appartenance à une «minorité visible». [Source : Veille de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations (CRIEC), numéro 33 (juillet-août 2007)]

 

*Maria Cristina Gonzalez est coordonnatrice de projet à Compagnie-F, entrepreneurship pour femmes [retour au texte]

** Comme celles associées à l’exigence d’avoir de l’expérience de travail au Canada, la difficulté de certains employeurs à valoriser les compétences développées ailleurs et les défis de la conciliation travail-famille. [retour au texte]